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« Déconfinement sans confiance n’est que ruine des équipes »*

Manager autrement

« Déconfinement sans confiance n’est que ruine des équipes »*

Frédéric BRIONES – Coach professionnel

 

Résumé : accueillir les équipes après cette période de confinement nécessite de penser la question de la confiance et de ses conditions, dans le lieu de l’entreprise et au sein des équipes et donc d’avoir une attention particulière aux actes managériaux à poser pour établir un nouveau pacte de confiance post-confinement.

 

 

 

La sortie du confinement est fort logiquement associée au retour vers l’Entreprise.
Et retrouver le chemin de l’Entreprise pose à chacun la question de la confiance.

La santé, nouvelle vertu cardinale

Les dernières semaines, les circonstances ont – à tort ou à raison- montré qu’il y avait une valeur plus forte que le travail, celle de la santé individuelle[2]. Les autorités puis les citoyens on fortement souligné une autre nécessité : celle de (re)développer des comportements de civisme, de solidarité et de responsabilité, y compris en acceptant de contraindre ses propres libertés afin de prendre en considération la santé et la sécurité de l’autre.

L’Entreprise va donc être l’un des lieux majeurs de cette double contrainte : retrouver un mode de fonctionnement « typique » d’entreprise avec ses préoccupations de productivité, de rentabilité et d’efficacité, avec ses crises ordinaires ou non, tout en apportant des gages qu’elle va être aussi responsable, solidaire et respectueuse de la Santé devenue centrale pour les salariés. Elle ne peut de toute façon pas espérer rompre brutalement avec ces prises de conscientes certes récentes mais d’ores et déjà transformées en habitudes.

L’activité dans l’entreprise est la nouvelle habitude à prendre car l’habitude en place aujourd’hui est celle du confinement et du travail depuis que le cap des 21 jours est passés.

 

La question de la confiance

Or, ces dernières années, l’entreprise a fréquemment été le lieu où l’économique et la productivité l’emportaient régulièrement sur le bien-être et la santé des individus. Il est donc logique que se manifeste de la défiance. Les managers et les dirigeants devront donner des gages de confiance très fort pour inciter les salariés à y retourner sans craintes excessives.

Or, la confiance s’appuie sur 5 piliers[3] que sont la confiance en Soi, la confiance dans les autres, la confiance en la situation, la confiance en la hiérarchie et la confiance dans la Vie.
La confiance au sein d’un groupe ne peut s’établir durablement que si ses 5 piliers sont dans un état « satisfaisant ».

Le management devra s’interroger sur ses comportements et agir non seulement sur les piliers sur lesquels il exerce normalement une influence directe (à savoir la confiance dans la hiérarchie et la confiance dans la situation), mais aussi en prenant en compte l’état réel des piliers sur lesquelles son influence est apparemment limitée (à savoir les trois autres).

Agir aussi indirectement sur la confiance

Comment prendre en compte la confiance en Soi qui appartient à chaque collaborateur ? Le manager n’est certes pas un thérapeute mais il peut toutefois veiller à ne pas blesser inutilement l’estime et la confiance en soi de ses collaborateurs et veiller à la renforcer en exerçant l’art subtil et indispensable du Feed-back qui va être plus que jamais nécessaire.

Comment agir sur la confiance que chacun peut avoir dans les autres ?

En se montrant exemplaire en matière de cohérence de ses comportements et en agissant activement comme régulateur des relations au sein des équipes. Tout laisser-faire sera dommageable sur la confiance et le besoin de relations lisibles et sécurisantes entre les individus dans les prochains mois.

Comment agir sur la confiance dans la Vie ?

Le manager n’est pas un gourou ou un guide spirituel !
Mais, en tant qu’individu, il a peut-être fait l’épreuve de la maladie, du deuil pendant cette période. Il a probablement vécu l’épreuve du doute, de la peur, de la tristesse ou de la solitude. Il a eu à faire ou est en train de faire ses propres deuils de certaines situations ou habitudes.
Dans ce cas-là, à défaut de pouvoir montrer une voie ou d’avoir à le faire pour ces équipes, il semble judicieux de mettre en place des temps d’ouverture[4] de partage et de parole.  Il sera sain de montrer de l’Ouverture en exprimant ses propres expériences et en permettant à d’autres de le faire. Voire de revisiter la courbe de deuil (et du changement) que nous ont proposé Elisabeth Kubler-Ross ou F.Delivré[5], afin d’en comprendre le sens pour soi et pour accepter mieux le cheminement de chacun sur celle-ci.

L’équation de la confiance

Au travers de ces thématiques, de ces questionnements, vous comprenez qu’une voie d’exigence et de bienveillance finement ajustées s’ouvre pour les managers s’ils veulent accompagner leurs équipes dans ce retour au travail. D’autant que, pendant le confinement, beaucoup de croyances, de représentations et de valeurs ont été bousculées, réagencées ou réajustées.

L’équation de la confiance qu’on pourrait formuler est la suivante :

CONFIANCE= BIENVEILLANCE+EXIGENCE

La bienveillance sans l’exigence risque de s’échouer sur l’écueil de la complaisance.

L’exigence sans la bienveillance a des chances de se transformer en intransigeance voire en tyrannie. Ceci est de nature à rebuter, démotiver ou faire fuir les équipes, à les faire retourner d’une manière ou d’une autre à l’abri de leurs espaces confinés.

C’est l’équilibre des 2 qui permettra la restauration d’un capital confiance sur lequel fonder à nouveau l’identité de l’équipe.

 

Nous sommes toujours là !

Le manager devra donc se déplacer sur cette ligne de crête subtile pour recréer ou restaurer la confiance : une ligne constituée d’écoute, de patience, de respect, de renforcement des valeurs et de la cohésion, oscillant entre réalisme et réassurance.

Il devra produire cet effort pour inciter les membres de on équipe à sortir de la caverne[6], à accepter d’être un instant endoloris et aveuglés comme les grecs sortant de la caverne platonicienne,  pour se confronter à cette Vérité : nous sommes toujours en vie et nous allons devoir continuer de l’être pour le meilleur et malgré les obstacles.

 


[*] En référence à la phrase « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de F.RABELAIS

[2] André Comte-Sponville a eu à ce sujet un propos très intéressant et sévère sur cette société du « pan-médicalisme » à écouter ici : https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-14-avril-2020-0

[3] D’après V.LENHARDT

[4] Voir W.SCHULZ – L’Elément humain où les dimensions d’Ouverture, de Contrôle et d’Inclusion sont largement définies et caractérisées

[5] Voir à ce sujet l’excellente conférence de Jérôme Curnier « Tu ne retiendras pas le temps » : https://youtu.be/p5qGhfUphJM

[6] En référence au mythe de la caverne de Platon.


Photo by Zdeněk Macháček on Unsplash