« Sois parfait » me gâche la vie… et je DOIS lâcher prise !
En ce moment, il ne se passe presque pas une semaine sans qu’une personne ne vienne me voir en me disant ceci : « Je veux lâcher mon « sois parfait », « je suis trop perfectionniste et cela me pourrit la vie », « j’ai besoin de tout contrôler et cela devient invivable pour mes proches» … Ou, encore mieux, « j’ai besoin d’améliorer mon « lâcher-prise » ! » …
Sans se lancer dans une analyse approfondie des particularités voire des paradoxes de ces demandes ou autres injonctions, j’éprouve le besoin de partager avec vous sur 2-3 points.
« J’ai eu 12/20 en « lâcher-prise » et je veux faire monter ma note » 😉
Mauvaise nouvelle : le « lâcher-prise » ne s’apprend pas, dans la mesure où c’est avant tout un état d’esprit.
Certes, il est possible de développer des postures et comportements facilitant l’acceptation de ce qui est (par la méditation de pleine présence, sophrologie et relaxation…).
Vous pouvez vous faire aider d’un coach, d’un psy, ou y travailler seul en s’auto-coachant -si c’est trop dur de demander de l’aide (encore que rien que ça révèle peut-être la nécessité de se faire aider sur le sujet !)
Mais s’agirait-il seulement de remarquer qu’il est parfois possible de descendre un peu la barre, que le 4ème accord toltèque[1] (« fais toujours de ton mieux ») est déjà une alternative satisfaisante à cette injonction à la perfection , et on s’en sortirait bien, non ?
Et surtout, voire avant tout, se pardonner à chaque fois qu’on ripe et que le « sois parfait » reprend la main… Parce que sinon, on chercherait à être parfait dans le fait de ne pas l’être 😉 – ce qui serait pour le moins absurde, non ?
Déconstruire l’origine du « sois parfait » avec l’Approche Narrative[2]
La thérapie narrative, fondée sur les travaux de Michaël WHITE[3] et David EPSTON, eux-mêmes largement influencés par les auteurs de la French Theory (M. FOUCAULT, P. BOURDIEU, J. DERRIDA…) nous propose de revenir à un récit, une Narration dans laquelle le problème ne soit ou n’était pas aussi présent qu’il ne l’est aujourd’hui pour celui qui en souffre.
On peut par exemple se demander : Quand « sois parfait » s’est-il rendu incontournable dans votre vie ? Et afin de quoi ?
Tenter de se rappeler à quoi cela ressemble ou ressemblait quand le « sois parfait » ne prenait pas toute la place ? Dans quel contexte « sois parfait » vous lâche-t-il la bride ? En présence de quels enjeux, de quelles personnes ?
Est-ce que c’est bien quand il s’absente ? Comment vous sentez-vous ?
Et si parfois, c’est (ou c’était) le cas, se rappeler que si c’est possible une fois, c’est possible N+1 fois.
Ce travail de déconstruction peut permettre de faire émerger une histoire alternative qu’il s’agira ensuite de booster, de renforcer et de rendre capable de diluer l’histoire dominante saturée par ce sacré « sois parfait »
Une croyance sert bien à quelque chose !
Même si la croyance que « ce sera ok si vous faites tout parfaitement » – ce que Taïbi Kahler a nommé « driver » dans son modèle de la Process Communication (PCM)[4]– vous gâche aujourd’hui la vie ou les relations, pensez au fait qu’il n’en a pas toujours été ainsi.
Voire que cette injonction à la perfection et au contrôle vous a protégé ou vous protège encore de quelque chose… Par exemple, de la peur d’être humilié en cas de faute, d’être remis en cause dans votre compétence, du sentiment de rejet ou du manque de reconnaissance dans un milieu où l’excellence serait la norme…
Aussi, avant de « tout envoyer valser », il conviendra de s’assurer que vous pouvez vous en passer, que vous pouvez quitter l’abris que vous propose cette croyance, et que vous êtes outillé pour faire face aux moments d’incertitudes, de doutes voire de désordre qui ne manqueront pas de survenir une fois cette amarre larguée.
C’est bien là la fonction d’un accompagnant, qu’il s’agisse d’un psy ou d’un coach :
- mettre des échafaudages et étayer l’édifice de vos comportements et de vos représentations afin que le changement soit durable et sain ;
- et que vous ne vous contraigniez pas à être parfaitement en ligne avec cette injonction à « lâcher le contrôle» un peu trop à la mode en ce moment pour être parfaitement honnête et adaptée à toutes les circonstances, tout au moins à toutes les vôtres.
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[1] D.M RUIZ « Les 4 accords Toltèques »
[2] L’université d’Aix-Marseille vient d’ouvrir cette année 2021 un DU « Thérapie Narrative » dirigé par Vincent Bréjard.
Vous pouvez aussi consulter le site de f’AFTN, https://therapie-narrative.org/
[3] M.WHITE et D.EPSTON ont développé leurs travaux dans divers ouvrages dont « Les moyens narratifs au service de la thérapie » et « Cartes des pratiques narratives » enrichis ensuite par d’autres auteurs, dont A.MORGAN, D.DENBOUROUGH
[4] Taîbi Kahler est docteur en psychologie, inventeur de la Process Communication© et lauréat du prix Eric Berne pour ces travaux sur le mini-scénario
Illustrations : Photo by Glenn Carstens-Peters on Unsplash