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Tu fais une apnée du travail

Manager autrement

Tu fais une apnée du travail

« Tu fais une apnée du travail »

Frédéric BRIONES – Janvier 2022

Réussir… Il faut commencer tôt

J’accompagne Pierre* depuis quelques temps.

Jeune (pas encore 30 ans), motivé, ambitieux, il est déterminé à se faire dans les premières années de sa carrière une place au soleil. Sa vie privée sera pour « après »… plus tard.

Il a fait des études exigeantes (prépa et grande école littéraire) pour lesquelles il a été soutenu et encouragé par des parents aimants, bienveillants et eux-mêmes très engagés dans leurs professions toutes deux très exigeantes. L’histoire dominante est celle de « l’effort paie donc fais-en et tu seras récompensé ». Et l’effort a payé.

Stages Check… Bac+5 Check… Premier job – un CCD très prometteur- donc Check encore.
Jusque-là, tout va bien… en apparence.

Une inclusion …exclusive

Car aujourd’hui plusieurs choses se jouent juste sous le niveau de l’eau :

En effet, ce job, il en demande toujours plus. Plus d’engagement, plus de temps, plus de présence. Et les équipes sont toutes portées par la même ferveur -voire la même frénésie- car c’est un plus qu’un job, c’est une « mission » voire une vocation… et Pierre est animé par ça !

De plus, ce fonctionnement en mode tribu du matin au soir (tard le soir) six jours par semaine, voire sept… Cela commence à devenir trop inclusif… voire exclusif et intrusif.

Plus de temps pour soi, plus de place pour les amis, la famille… Les amours, n’y pensons même pas…

Pourtant il rêve de fonder une famille, aspire à être un jour un parent exemplaire, inspirant… plus tard.

Un océan de travail, pour se noyer

Le fait est que cette poussée au « toujours plus » appuis chez Pierre sur l’envie de bien faire, de réussir, d’être à la hauteur, de faire partie de quelque chose de plus grand que soi. Cette appartenance au clan quoiqu’un peu envahissante semble réparer d’autres époques où il s’était senti seul/ isolé du fait des déménagements réguliers imposés par la profession des parents.

Que demander de plus : un jeune motivé par un job motivant et engageant ?

De quoi rendre fière n’importe quel parent !

 

Tu fais des apnées du Travail

Le coach narratif que je suis apparait.

Il entend l’histoire dominante, cette compulsion au travail, la difficulté à maintenir le juste lien à la juste distance, à savoir dire non, à poser des limites saines et pour tout dire « raisonnables ».
Le piège du « Sois fort » et « Sois parfait » cher au coach PCM[1] me hurle aussi à l’oreille.

Nous parvenons donc une métaphore – une externalisation[2]–  pour éclairer ce qui se joue depuis quelques temps, et qui est l’une des raisons de la venue de Pierre à mon cabinet :

celle du plongeur en apnée – inspirée par Julie Gautier[3] et Guillaume Nery[4] – s’impose à nous.

« Mon cher, je crois que tu fais des apnées du travail »

Or il est essentiel de considérer que tout plongeur en apnée a certes développé une discipline physique et mentale incroyable doublée d’un entrainement des plus exigeant, il a développé une conscience absolue de son état et de ses limites, de l’instant présent.
Jusque-là, le parallèle tient et colle avec ton récit toi.

Mais l’apnéiste a aussi intégré un aspect que tu méconnais dangereusement : lui, il a aussi programmé le moment où l’apnée cessera, et surtout l’étape qui le précède : celle de la remontée à la surface pour aller reprendre son cycle de respiration. Il a pensé à « l’après » pour qu’il fasse partie du « pendant ».

Et toi, comment prépares-tu ces temps de respiration ? Quand les prévois-tu ? Comment rends-tu cet « après » envisageable ?

Assure-toi en plongeant ainsi que c’est pour remonter…
Car derrière cette pensée se cache peut-être la ressource, le remède pour vivre l’épreuve sans en perdre le sens, pour accueillir l’effort sans qu’il te brise ou te mette en danger.

Et j’ajoute que tes partenaires de plongée le font chacun pour leurs raisons… Mais peut-être ne trouveront-ils pas normal ni naturel de pousser ton fauteuil s’il y a un pépin en bas, tu sais, de ces pépins qui laissent des traces… que seuls accompagneront ceux qui t’aiment vraiment.

 

Pourquoi je vous raconte tout ça, au fait ?

Je vous passe sur le fonctionnement de cette équipe très « start-up nation » mais qui ressemblerait presque à une secte ainsi que sur certains aspects de cet accompagnement qui relèvent de l’identité individuelle et de sa juste affirmation, pour m’attarder sur un autre point qui motive ce petit billet.

Dans le moment où nous sommes, les injonctions pleuvent : «fais ceci », « sois plus cela », « ne sois pas comme … ».
Et les raisons de se mettre la pression, d’avoir peur pour son avenir, pour sa réussite viennent encore en ajouter un peu (le covid, l’appauvrissement des classes moyennes, la catastrophe écologique programmée).

Et, à l’intérieur de soi, un petit dictateur intérieur prend volontiers le relais par l’entremise des « drivers » de notre base ou phase PCM[5]. Ajoutez-y quelques blessures ou croyances ou idéaux totalitaires (angélisme et barbarie) et vous obtenez une recette détonante.

Mon point est donc : quand se décidera-t-on à ajouter systématiquement aux études supérieures des jeunes que nous formons dans nos écoles un temps de développement personnel, de consolidation de l’identité personnelle et professionnelle propice à un plongeon dans le bain du travail sans risque la désillusion rapide et brutale voire la noyade ?

 

Non au burn-out à 30 ans !

Le coaching ne peut se limiter à réparer la casse, à servir une stratégie de la moindre douleur.

J’aspire, comme avec ce jeune, à un coaching qui pose au bon moment les bonnes questions, qui aide à fonctionner selon un mode adapté à l’ici et maintenant tout en se fondant sur des principes durables et le respect de soi, de ses limites.

Le burn-out ne doit pas être une fatalité…  Ni un sujet tabou qui justifie qu’on en méconnaisse les composantes.
Et, par-dessus tout, 30 ans, c’est quand même franchement très tôt pour en faire l’expérience, non ?

 

* Pseudonyme

[1] Développée par Taïbi Kahler et commercialisée en France par KCF
[2] L’un des gestes clés de la posture narrative, à partir de laquelle le client/patient peut initier un dialogue avec ce qui pose problème
[3] https://youtu.be/bdBuDg7mrT8
[4] https://youtu.be/OnvQggy3Ezw
[5] Ibid

Photo by nikko macaspac on Unsplash